Et si Mozart avait connu le blues ?

Je me souviens, un jour, alors que je travaillais au Cri de l’Ormeau, rentrant d’une mission d’investigation culturelle un peu spéciale, harassé, je décidais d’aller boire un café dans le village de St-Sulpec que je traversais alors. J’en profitais pour laisser 3-4 Cri de l’Ormeau sur le comptoir, histoire d’affranchir les St-Sulpécois qui n’en avaient probablement jamais entendu parler. Eh bien si, il y en avait au moins un.

Un vieux monsieur cacochyme, qui devait bien avoir 4 ou 5 fois 20 ans, avait perçu, à travers sa brume alcoolique et son brouillard de fin de vie, que, malgré ma culturophilie, j’étais néanmoins sympathique. Le prit alors une pulsion soudaine (c’est rare à cet âge). « Je vais vous révéler un secret, et vous pourrez en faire un scoupe dans votre canard ». Pas vraiment tenté, je le suivis quand-même jusqu’à chez lui, à 2 pas. Par décence je ne vous décrirai pas l’intérieur. Il sortit alors d’une armoire une boîte à chaussures dont il commença à sortir des trésors. Une photo d’un homme et d’une femme enlacés, un homme noir d’une trentaine d’années et une femme blanche plus âgée. Des visages qu’il me semblait reconnaître. « Jimi Hendrix et Maria Callas en 1970 à New York, amants depuis que la grande Callas était allée incognito à Woodstock l’année d’avant, pour se détendre après son tournage de Médée avec Pasolini. Elle s’était fait larguer par Onassis qui avait épousé Jackie Kennedy en 68. Elle commençait à fatiguer et ne faisait presque plus de scène. Jimi 27 ans, Maria 46. Jimi est mort 2 mois après cette photo. Maria avait un appartement à Paris, avenue Georges-Mandel. J’étais son voisin. On s’entendait bien, et elle m’a donné des choses que je lui ai promis de tenir secrètes jusqu’à ce que je me sente en fin de parcours moi-même. Jimi et Maria avait commencé à faire de la musique ensemble, et ils sentaient qu’ils allaient bouleverser le monde artistique en unissant leurs génies. » Il me donna alors une cassette où l’on pouvait entendre une adaptation électrique incroyable de La Traviata et une version soprano colorature de Electric Ladyland, et aussi des partitions. J’ai écouté cette cassette inouïe !

Sur le chemin du retour, terrassé par l’émotion, je finis ma course par des tonneaux dans un champ, voiture en feu et moi sauvé de justesse, mais pas les documents exceptionnels que je transportais. C’est dommage, hein !

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