Est-ce que celui qui commet un geste artistique est un artiste ? Celui qui va dessiner un beau bateau un jour de promenade du dimanche, par exemple ? Est-ce que celui qui produit un beau son musical est un musicien ? Par exemple celui qui plaque do-mi-sol-do sans se tromper sur un piano ? Est-ce que celui qui photographie le beau sourire d’un enfant est un photographe ? Est-ce que celui qui chante Loguivy-de-la-Mer sans fausse note au cours d’un banquet est un chanteur ? Est-ce que celui qui dit « J’aime bien me prom’ner le dimanche en forêt » en 12 pieds est un poète ? Est-ce que celui qui se dit artiste est un artiste, ou bien cette désignation est-elle octroyée par autrui, par un admirateur ou une administration ? J’arrête là, parce que si je continue je vais me perdre dans des considérations philosophiques que je suis bien incapable de maîtriser, et risque d’arriver à me demander « Est-ce que celui qui vit est un vivant ? ».
Stop au délire !
Et l’art caché ?
J’entends dire que l’artiste est un être en quête de l’estime de soi par le désir d’être admiré. Est-ce que ça marche aussi pour la reconnaissance posthume ? Que dire de Marcel Dirou, prof de lycée toute sa vie, peintre dans le plus grand secret de milliers d’œuvres magnifiques que l’on n’a découvertes qu’après sa mort ? Une façon originale de quêter l’estime de soi en provoquant une interpellation posthume (il les avait signées) ? Ou bien d’autres moteurs plus subtils de son geste artistique ?
Il est évident que je suis bien incapable de répondre à ces questions. Je ne sais pas pourquoi je vais considérer que tel objet est une œuvre d’art, et que celui-ci est plus intéressant que celui-là. Mais ce qui est sûr c’est que la créativité est une forme de folie. Une œuvre d’art est une création qui sort de l’ordinaire, qui vient donc d’un esprit un peu à part, et il faut effectivement un acharnement proche de la maladie mentale pour oser la montrer à son voisin humain en pensant que ça va l’intéresser, qu’il va communier avec ta sensibilité.