Le paradoxe du tas

Combien de virus pour faire une maladie ? Combien de malades pour faire une pandémie ? Combien de pandémies pour faire une fin du monde ?

Tu prends un tas. De quoi ? Euh, de 1 000 coquillettes par exemple. Tu en enlèves une, c’est encore un tas. Tu en enlèves une 2è, c’est toujours un tas de coquillettes. C’est fou, non ?! Tu en enlèves encore et encore. A partir de quel moment ce ne sera plus un tas ? Tu peux faire la même chose avec des poils de barbe, des molécules, des neurones ou des camions. Ca fait environ 2 500 ans que l’humanité est interpellée par ce paradoxe sorite (sôros = tas, en grec). Et les propriétés d’un tas de 1 000 grains sont différentes de 1 000 fois les propriétés d’un seul grain. Un neurone seul ne pense pas, mais un milliard de neurones interconnectés forment une pensée. Le tout est supérieur à l’ensemble de ses parties.

A partir de combien de lettres a-t-on affaire à un texte ? A partir de combien de pages une nouvelle devient un roman ? Combien faut-il regrouper de spectacles pour faire un festival ? Combien d’Euros de déficit pour faire une faillite ? Combien supprimer d’artistes intermittents du spectacle pour créer un désert culturel ? Combien de déserts culturels pour faire un pays de moutons décervelés à la botte de quelques puissants ? Combien d’heures de travail pour faire un retraité ? Combien d’espoirs déçus pour faire un désespéré ? Combien de promesses non tenues pour faire un élu ? Combien de marins, combien de capitaines pour avoir une flottille ? Combien de vers de terre pour avoir un jardin fertile ? Combien enlever de nitrate pour ne plus avoir d’algues vertes ? Combien d’électrons pour envoyer un e-mail ? Combien de systèmes solaires pour avoir une galaxie ? Combien de combiens pour atteindre l’infini ?

3 réflexions sur « Le paradoxe du tas »

  1. Divagations confinées
    Je vais essayer de reprendre point par point tes interrogations avec toute la sagesse que je n’ai jamais eue:
    Si on est malade, on est malade. La gravité est une autre question. C’est comme être enceinte. On ne peut pas l’être un peu. Nous en faisons tous une maladie de ce virus. On ne nous laisse pas vraiment le choix. C’est sans doute le moment de réfléchir sur le sens de la liberté. La pandémie n’a rien à voir avec le nombre de malades mais avec la distribution géographique de la maladie. C’est qu’on ne peut se cacher nulle part. Rassurant, non? Fin du monde? Est-ce que tu assimiles la fin de l’humanité avec la fin du monde? Les chauves souris à l’origine de notre pandémie ne risquent pas de disparaître. Puis les Anglais sont près à sacrifier 200 000 vies pour que le pays devienne résistant. C’est du « blood, sweat and tears » mal digéré. Je crois que Bojo n’a pas bien compris Churchill. Dernier mot sur la fin du monde (de T.S. Eliot) « This is the way the world ends — not with a bang but a whimper. »
    Sans avoir la prétention de faire un tabac à Lake Tahoe, je vois que la notion de tas te prend à coeur. Quand je lis tes questionnements sur le tas, je pense au « rien » de Raymond Devos: « Deux fois rien, c’est rien. Pour trois fois rien, tu peux déjà avoir quelque chose. » C’est que zéro n’est pas un nombre, enfin il n’en a pas toutes les propriétés. Voilà ton tas qui n’a pas toutes les propriétés d’une chose. Par contre, si on a un poil de barbe, on peut raisonnablement déduire qu’il y a une barbe. Logique, non? Pour les neurones, je reste perplexe. Un neurone seul ne pense pas. OK je te suis jusqu’à là. La pensée formée par un milliard de neurones interconnectés….Ben non! Le milliard de neurones interconnectés d’un cadavre ne pensent pas. C’est une personne, un être vivant dotée d’un milliard de neurones interconnectés qui pense (dans le meilleur des cas).
    La relation lettres / texte doit être un peu plus complexe. Le texte est composé de mots. Dans certains cas, un seul suffit. Les lettres servent dans certaines langues à faire le BAba des mots, mais on ne peut pas dire que les mots sont composés de lettres. Je ne suis pas certains que les Japonais comprendraient le sens de ta question. Pour la nouvelle et le roman, à partir de combien de notes, une suite devient-elle une symphonie? C’est un non sens. Il y a une différence de nature. Toi qui as écrit un court roman, tu sais pertinemment qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle. Parfois les catégories sont définies quantitativement. Un équidé d’une taille inférieure à 1M48 au garrot est un poney. Au dessus, c’est un cheval (au moins en France). Mais c’est le même animal. Pour ton festival, qu’il soit avant tout festif! Peu importe le nombre de spectacles. Est-ce que quelqu’un est capable de dire combien il y a eu de concerts à Woodstock? La faillite n’est pas une question de déficit, mais l’absence de capacité de créer des richesses. Mon avis sur les intermittents est plutôt iconoclaste: je pense qu’il vaut mieux avoir des permanents que des intermittents. Par contre, même en présence d’une forte offre culturelle, on croise des moutons décervelés. Un retraité (dont je suis) n’est pas fait d’heures de travail, mais de chair et de sang. On sait que nous avons un président qui confond volontairement les notions d’acquisition aux droits à une pension et financement de la trésorerie face à des retraités qui n’avaient pas les moyens de lui répondre. C’est innommable d’utiliser son savoir pour assommer de pauvres gens. Oui, ils ont travaillé toutes leurs vies pour payer leur retraite. Oui, leurs cotisations représentent le financement des pensions de ceux qui sont déjà à la retraite. Si tu empruntes de l’argent pour acheter une maison, c’est quand même toi qui paies la maison, pas le banquier! Ceci dit, je fais partie des quelques uns qui auraient été gagnants d’un système de retraite par points. Tant pis! C’est comme ça.
    Je laisse passer les histoires de marin et de côte, étant désespérément terrien. Pour le combien de combiens… l’infini, c’est comme zéro. Ce n’est pas un nombre.

      1. à propos du rien, ma mère disait, « rien c’est aussi déjà quelque chose ». Une expression énigmatique qui semblait suggérer que le rien absolu ne pouvait exister, qu’il y avait un je-ne-sais-quoi à la surface de ce soi-disant rien, une promesse qui, à partir de rien, avec de la constance, donne quelque chose et ainsi de suite pour finalement mener à tout. Tant il est vrai qu’un rien vaut mieux que deux tu l’auras.
        Elle avait raison, ma mère. Un tas de petits riens ça fait un grand tout, ce qui est mieux que rien. Je n’ai d’ailleurs jamais manqué de riens. Et quoique né bon-à-rien, grâce à elle, me voilà bon-à-quelque-chose. Mais à quoi ?

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