Le Confinovirus

Un virus d’un type tout-à-fait nouveau crée une pandémie générale : le Confinovirus. Il s’agit d’un virus de type social, genre sociétal. Il serait issu d’une mutation du virus Agoraphobie, et non pas, comme certains l’ont cru au début, du virus Misanthropie. Ce violent virus provoque une maladie appelée Sociovid 20-20. Les symptômes de cette maladie : peur de sortir de chez soi, impossibilité de se rapprocher d’une autre personne à moins d’un mètre, fourmis dans les jambes, claustrophobie, accroissement des facultés critiques, analytiques, numériques, artistiques, domestiques, jardinières, hygiéniques, ludiques, audiovisuelles, et autres dégâts coronolatéraux. Plusieurs remèdes apportent un soulagement aux symptômes : Skype, Zoom, Facebook, FaceTime, Messenger, Whatsapp, ou les génériques Téléphone et Courriel. La plupart sont gratuits – gratuité illusoire -, faciles d’usage intuitif – facilité illusoire pour les malhabiles du numérique -, souvent facteurs de stress ou de crises de nerfs. Une rumeur prétend même qu’ils font plus de mal que de bien ; les analyses sont en cours. On ne sait plus à quels pixels se vouer. Je ne parle pas ici des ersatz de convivialités, applaudissement et musique au balcon, marche de santé autour d’un pâté de maison, courses-éclairs parfois émaillées d’un échange verbal bien distancié…

On ne mesure pas encore les conséquences de cette pandémie. Au-delà d’une évidente récession économique, certains experts envisagent un changement complet de paradigme sociétal, plus orienté vers l’écologie et l’humanisme que vers le profit matériel, du type « Ce ne sera plus jamais comme avant ». D’autres experts prédisent plutôt que, une fois passée la période émotionnelle, chargée de grandes envolées lyriques et prometteuses, tout redeviendra comme avant. Une fois passé le Grand Calin de fin de confinement, la Libération, nous n’aurons pas affaire à de nouvelles 30 Glorieuses mais juste aux 7 Joyeuses (journées), et ce sera reparti comme avant 14 (janvier), ou comme avant 40 (aine). Le monde n’a jamais compté autant d’experts, et ce sont moult débats entre utopistes, dystopistes, collapsistes, prospectivistes, complotistes, survivalistes, aquoibonistes, nihilistes, économistes, fantaisistes.

A mon tour d’être expert.
Non, ce ne sera plus jamais comme avant. Ça a toujours été vrai, le futur n’ayant jamais été une répétition du passé, mais là les différences seront fortement marquées.
Il y a plusieurs types de confinés. Certains privilégiés, dont je fais partie, ont maison, jardin, argent, santé, compagnie, TV, musique, livres, numérique, idées culinaires. Certains peuvent continuer à travailler, et même beaucoup plus qu’ils ne le souhaiteraient – suivez mon regard – merci à eux.elles. Certains vivent nombreux dans quelques mètres carrés d’immeuble. Certains vivent en campagne, ne pouvant plus voir que vaches, cochons, couvées et chiens. Certains meurent. Certains n’ont plus d’argent. Certains font faillite…
Non, malgré le phénomène de résilience, ce ne sera plus jamais comme avant. Le principe de résilience, associé au principe de l’oubli et au principe de l’égoïsme humain fondamental, ne rétablira pas tout comme avant. Chacun, à tous les niveaux de la société, va remettre en question l’importance de sa propre utilité sociale, la pertinence de ses actes, et peu en sortiront indemnes. Cette situation provoquera aussi des maladies mentales, des hallucinations, des cauchemars, des pertes d’équilibre et de contrôle, des angoisses (dont même des existentielles).

Sera-ce un monde meilleur ou pire ? On va tous mûrir.

3 réflexions sur « Le Confinovirus »

Répondre à claude barraud Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *